Ministère de la Culture

Fête de la musique 2017

Après un féroce combat de designers orchestré dans le cadre d’un marché public, l’Atelier s’est vu confier par le ministère de la Culture l’affiche de la Fête de la Musique. On avait anticipé tous les problèmes possibles dans ce type de commande et ils se sont d’ailleurs tous opposés à la démarche initiale qui nous a permis de remporter ce projet. Récit d’un parcours du combattant au pays de l’administration, à travers une interview de Mathieu Chévara, réalisée et enrobée par le ministère.

Avez-vous des souvenirs d’une Fête de la Musique marquante ?

Les plus marquantes pour moi se sont déroulées dans le quartier de la Butte-aux-Cailles (XIIIe arrondissement de Paris), durant mes études à l’École Estienne. Le visage de ce quartier se métamorphose entièrement : la foule compacte avance mètre par mètre, plongée dans des sonorités de toute nature, accompagnée par les odeurs de grillades et des rencontres joyeuses jusque très tard dans la nuit. Ce que je retiens de la Fête de la Musique, c’est ce plaisir d’assister, une fois dans l’année, à une réappropriation entière et spontanée de l’espace public par une population très variée qui oublie, le temps d’une soirée, ses différences, ses divergences.

Système d'identité visuelle

Comment définissez-vous votre travail ? Comment cette affiche de la FDLM s’inscrit-elle dans votre parcours ?

Mon travail s’inscrit avant toute chose dans une démarche de design : il ne s’agit pas seulement de livrer ou d’imposer une vision totalement personnelle, mais d’essayer de structurer une démarche visant à porter et incarner un propos sur un sujet qu’on m’invite à traiter. Dans le cadre de cette affiche, c’est donc une rencontre entre ce que signifie la Fête de la Musique pour le ministère de la Culture et notre pratique qui tente de lui en donner une expression éloquente. Sans oublier bien sûr d’affirmer, par notre langage graphique, une certaine subjectivité.

Ensuite, c’est une approche collective : nous sommes une quinzaine de personnes à travailler ensemble au quotidien, chacun apprenant à intervenir là où il est le plus pertinent, au service d’un projet qui reste la préoccupation centrale. Pour la création de ce visuel, Clément Charbonnier et Jean-Charles Bassenne ont travaillé sur la partie graphique, Romain Bassenne sur la prise de vue photographique. Depuis plus de dix ans maintenant, nous faisons émerger et vivre l’image de nombreux projets culturels, qu’il s’agisse de théâtres, de maisons d’opéra, d’orchestres, d’artistes, de festivals…Toute production visuelle s’inscrit dans des codes culturels et graphiques précis dont nous héritons, qu’il faut savoir apprivoiser afin de pourvoir les affirmer ou s’en dégager entièrement selon la nature du projet. En ce sens, la création d’une affiche pour la Fête de la Musique se doit d’être très accessible : ce n’est pas un événement qui s’adresse à telle ou telle population en jouant sur ses préférences visuelles, mais à tous, petits et grands.

Le propos doit donc être concentré sur une expression très universelle et immédiate de la pratique musicale amateur, de la fête, de la diversité des musiques, de l’accessibilité. Nous ne nous sommes donc naturellement pas engagés dans une approche faisant prévaloir exclusivement nos préférences visuelles personnelles.

Pouvez-vous nous dresser la genèse du projet ?

Ce projet d’affiche, comme tout projet de design graphique, est dans un premier temps influencé par le contexte dans lequel il devra se développer : encadré par une procédure d’appel d’offre public, il est d’abord nécessaire que le ministère de la Culture sélectionne notre candidature sur dossier de références, avant de pouvoir, comme les deux autres entités choisies pour la seconde étape, rencontrer l’équipe en charge du projet pour mieux cerner ses attentes.

Pour obtenir la confiance et l’engagement du commanditaire après une phase de création en parfaite autonomie, il nous faut alors convaincre à travers le propos porté par le visuel d’une part, mais aussi séduire par l’usage de codes en phase avec les habitudes du ministère d’autre part. Nous avons donc proposé deux axes très différents, chacun nous semblant légitime d’incarner la Fête de la Musique, en énonçant une recommandation pour l’un d’entre eux. Le ministère fait alors son choix*.

Dans un deuxième temps, il est important de construire un projet pouvant être facilement relayé par différents interlocuteurs au sein du ministère de la Culture. Notre projet doit donc être capable d’accueillir des remarques issues d’échanges auxquels nous n’avons pas toujours la possibilité de participer. L’important pour nous étant que nous puissions toujours garantir l’exigence du projet, et que les modifications successives de notre travail n’aboutissent pas à l’éloignement progressif de l’intention qui est à l’origine du visuel.

Faire du « bon » design, au regard de ces éléments de contexte, n’est donc pas suffisant. Il faut penser l’affiche dans ce cadre de contraintes, se figurer les spécificités de la conduite d’un projet au sein d’un ministère et agir en conséquence, avec une véritable approche stratégique.

Comment avez-vous pensé cette affiche ?

Lorsque nous avons imaginé cette composition dans laquelle s’imbriquent des objets, photographiés indépendamment les uns des autres pour plus de mobilité dans le travail d’élaboration du visuel, l’intention principale était axée sur la confrontation des registres. Nous avons au départ proposé de nombreux objets (éléments du décor urbain, alimentaires, floraux, vestimentaires et bien sûr musicaux) qui peuvent représenter tout ce qui fait le charme de cette grande fête populaire : la rencontre entre des univers et des personnes très différentes, réunies par un même mouvement, chaque 21 juin depuis 1982.

Le ministère a souhaité concentrer le propos visuel sur le registre exclusif de la musique, ce qui nous a amené à retirer certains éléments, puis à composer, recomposer, photographier et rephotographier pour aboutir à une satisfaction partagée par l’ensemble des parties prenantes du projet, le ministère et nous-mêmes. À force d’échanges riches et denses, nous sommes parvenus à un projet qui préserve le geste visuel initial, recentré sur les instruments. C’est un choix que je respecte et que j’assume dans cette production, même si je pense que nous aurions pu aller plus loin dans les registres d’objets pour mieux illustrer la belle idée de diversité et de confrontation joyeuse que porte la Fête de la Musique.

Que souhaitez-vous que les gens ressentent en la regardant ?

Que la Fête de la Musique a lieu le 21 juin partout en France et qu’il y a une place pour chacun d’entre nous dans cet événement culturel et populaire.

* Dans la première version du texte, nous expliquions que notre recommandation n’avait pas été suivie par le ministère de la Culture. Nous supposons que dans le cadre de sa mission de soutien à la création et aux créateurs, le ministère a préféré ne pas faire mention de cette étape révélatrice d’une certaine contradiction.

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